Abadonna

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Contexte

Abaddona se manifeste seulement dans le chapitre 22 du roman quand Marguerite arrive chez Woland pour se préparer au grand bal. Selon Woland il est «d'une impartialité rare». Sa sympathie «va également aux deux camps opposés». En conséquence, les résultats sont toujours semblables des deux côtés. Il a sorti du mur un homme maigre à lunettes noires. Surtout ces lunettes ont fait une forte impression sur Marguerite. Abadonna est aveugle, pour éviter de montrer sa sympathie. Il apparaît seulement quelques fois et seulement pendant un court temps. Parce que «il n’est encore jamais arrivé et il n’arrivera jamais qu’Abadonna apparaisse à quelqu’un avant terme».

Au bal il n'est pas toujours visible, seulement pour quelques courts moments et entouré par d'autres «qui lui ressemblent» – tous vêtus de noir et jeunes. Quand le Baron Meigel a été accusé par Woland d’être un mouchard et un espion, Abadonna s'est levé devant lui et a ôté ses lunettes l’espace d’une seconde. Au même instant, un éclair jaillit des mains d’Azazello, il y eut un petit bruit sec pareil à un claquement de mains, et le baron commença à tomber à la renverse, tandis «qu’un sang vermeil giclait de sa poitrine et inondait son plastron empesé et son gilet».


Prototype

Abaddona est la translittération française du mot russe Абадонна, qui est, à son tour, la traduction russe du mot hébreu אבדון [avaddon], et cela signifie destruction ou destructeur. Dans le Livre de Job 26: 6 de l'Ancien Testament le mot abaddon est utilisé pour décrire le monde souterrain, l'abîme ou le séjour des démons: «עָרוֹם שְׁאוֹל נֶגְדּוֹ וְאֵין כְּסוּת לָאֲבַדּוֹן » [ärôm sh'ôl neg'Dô w'ëyn K'šût läávaDôn] ou «Le schéol est à nu devant lui, et l'abîme n'a point de voile».

Dans le livre de l'Apocalypse 09:11 du Nouveau Testament, le nom Abaddon est utilisé pour décrire l'ange de l'abîme: «Elles ont à leur tête, comme roi, l'ange de l'abîme qui se nomme en hébreu Abaddon, en grec Apollyon».

Selon Boris Vadimovitch Sokolov (°1957), l'éditeur de l'Encyclopédie de Boulgakov, Boulgakov aurait trouvé le nom dans l'œuvre du poète russe Vassili Andreïevitch Joukovski (1783-1852). En 1815, Joukovski a écrit le poème Abaddon, une traduction russe de l'épilogue du poème épique Der Messias du poète allemand Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803).

Woland mentionne le nom d'Abadonna pour la première fois dans le chapitre 22 quand il montre à Marguerite son globe spécial. Marguerite se pencha sur le globe, et voit «une guerre sur un petit morceau de terre, dont l’océan baigne un côté». C'était la guerre civile espagnole qui a été menée de 1936 à 1939. Marguerite distingue une petite figure de femme étendue par terre, et près d’elle, un enfant qui gisait dans une mare de sang, les bras écartés.  «Et voilà», dit Woland en souriant. «Celui-ci n’a pas eu le temps de commettre beaucoup de péchés. Le travail d’Abadonna est impeccable».

Boulgakov étais fortement touché par la Guerre civile espagnole. Il a écrit beaucoup de lettres à ce sujet. Durant les douze ans que Boulgakov a travaillé sur Le Maître et Marguerite, la scène avec le globe spécial s'est manifestée en 1937, quand cette guerre était sur la radio tous les jours. L'observation de Woland sur «les dernières nouvelles diffusées par la radio» est une référence à ces émissions journalières. Boulgakov était convaincu que les guerres ne pouvaient pas être arrêtées par les mots d'indignation, mais seulement par une violence armée contre l'agresseur. Il avait lui-même été médecin pendant la guerre civile russe.

Dans le roman, Boulgakov a décrit «un homme maigre à lunettes noires et exceptionnellement pâle par nature», ce qui pourrait être une référence au révolutionnaire et théoricien marxiste russe Lev Davidovitch Bronstein (1879-1940), mieux connu comme Léon Davidovitch Trotski, le premier chef de l'Armée rouge. Si vous pensez que c'est une idée étrange: Boulgakov avait déjà fait un lien entre Trotski et Abaddona lui-même dans son roman La Garde blanche de 1925.

Dans ce roman, le médecin Alekseï Tourbine parle au jeune poète Ivan Roussakov qui, après une dépendance à la cocaïne, a vu la lumière et prévient le docteur pour Satan. Quand le docteur lui demande s'il parle de Léon Trotski, le poète répond: «Oui, c'est le nom qu'il a pris. Mais son vrai nom est Abaddon en hébreu, et Apollion en grec». Boris Sokolov y ajoute que le travail fait par Abaddona est «tout aussi impeccable que les activités de Trotski» et qu'ils sont tous les deux «indifférents aux victimes de la guerre».


Transformation

Abadonna n'est pas présent quand les personnages démoniaques se rassemblent sur le Mont des moineaux pour retournner à l’enfer et nous n'entendons plus parler de lui. Ce qui n'est pas plus mal, puisqu'il se manifeste seulement «quand sa présence est exigée».



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