Marguerite

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Contexte

Marguerite Nikolaïevna est la maîtresse du maître. Elle réconforte et prend soin de lui jusqu'à ce qu'il se retrouve à l'hôpital psychiatrique du docteur Stravinski, totalement contrarié par la critique féroce de son roman et de sa personne.

Marguerite est découragée parce qu'elle ne sait pas ce qui est arrivé au maître au moment où le diable Woland entre en contact avec elle par l'intermédiaire d'Azazello pour lui demander de bien vouloir figurer comme hôtesse à son bal annuel. Elle apprend donc la sorcellerie et commence à aimer d'être invisible et de pouvoir voler. Elle assume sa tâche d'hôtesse de façon remarquable. Elle peut faire un vœu en échange de son aide. Après un premier vœu plutôt confus, elle dit qu'elle veut être réunie avec son maître bien-aimé. Et ainsi soit-il.

Nous découvrons le nom de Marguerite dans la Deuxième Partie du roman. Auparavant, le maître avait dit qu'il ne dévoilerait jamais son nom.


Prototype

Le prototype principal de la vie réelle du personnage de Marguerite est la troisième épouse de Boulgakov, Ielena Sergueïevna Chilovskaïa (1893-1970), née Niourenberg. Comme le maître et Marguerite, ils étaient tous deux mariés quand ils se sont rencontrés, et ils sont tombés amoureux immédiatement.

Ielena Sergueïevna était mariée à Ievgueni Aleksandrovitch Chilovski (1889-1952), à ce moment là chef d'état-major du district de Moscou. Elle a rencontré Mikhaïl Boulgakov dans l'appartement des frères Moiseïenko qui habitaient dans la maison Nirnzee, au n° 10, appartement 527 du passage Bolchoi Gnezdnikovski, une petite rue latérale de la rue Tverskaïa. Dans le roman, le maître et Marguerite se sont rencontrés pour la première fois lorsque Margarita «allait quitter la rue Tverskaïa pour prendre une petite rue».

Nous avons peu d'informations sur les frères Moiseïenko. Ils étaient des artistes, et Mikhaïl Boulgakov les aurait connus à Kyïv mais il ne les aimait pas tellement. Dans une lettre à son frère Aleksandr Sergueïevitch Niourenberg (1890-1964) du 13 février 1961, Ielena Sergueïevna a écrit qu'elle n'avait pas envie d'aller chez les frères Moiseïenko à l'époque, mais qu'ils l'avaient convaincue en disant que «le célèbre Boulgakov» serait là également, avec «d'autres personnes intéressantes», qui, cependant, «n'ont pas été nommément désignées».

Il existe cependant une certaine confusion quant à la date à laquelle cette rencontre a eu lieu. Le 4 janvier 1956, Ielena Sergueïevna a noté dans son journal qu'elle a rencontré Boulgakov, accompagné de sa seconde épouse Lioubov Ievguenievna Belozerskaïa (1894-1987) le [jeudi] 28 février 1929.

Mais dans la lettre surmentionnée à son frère, elle a écrit qu'elle a rencontré Boulgakov à l'occasion de la Масленица [Maslenitsa], une fête similaire au carnaval européen, où l'on sert traditionnellement des crêpes. En 1929, cependant, la fête de la Maslenitsa n'était pas le [jeudi] 28 février, mais le [dimanche] 17 mars.

Quoi qu'il en soit, au cours de la période où ils se sont rencontrés, l'on peut dire que Boulgakov, comme le maître, était dans un ужасный душевный состояние [oujasni douchevni sostoïanïe] ou un état mental terrible, comme l'a écrit Ielena Sergueïevna, alors qu'elle-même, comme Marguerite, était dans une telle situation «que bien des femmes auraient donné n’importe quoi pour échanger leur existence contre celle de Marguerite Nikolaïevna».

Il peut être intéressant de comparer les mémoires d’Ielena Sergueïevna de sa première rencontre avec Mikhaïl Boulgakov avec la version de Lioubov Ievguenievna Belozerskaïa (1894-1987). Dans son livre My Life with Mikhail Bulgakov ou Ma vie avec Mikhaïl Boulgakov, écrit en 1968-1969, elle a écrit: «En 1929 ou 1930, M.A. et moi, nous sommes allés rendre visite à ses anciennes connaissances, les Moiseenko (ils habitaient la maison Nirenzee à Gnezdnikovski pereulok). Une femme intéressante avec des cheveux bien coiffés était assise à la table - Elena Niourenberg, nommée Chilovskaïa par son mariage. Elle est vite devenue mon amie et a commencé à nous rendre visite souvent et sans cérémonie.»Cette description a été suivie laconiquement par le commentaire suivant: «C'est ainsi que cette femme qui devint plus tard la troisième épouse de M.A. Boulgakov entra dans notre famille.»


Les Marguerites

Boulgakov a trouvé le nom de Marguerite, entre autres, chez Gretchen, une protagoniste dans le premier volume du livre Faust de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832). En français, Gretchen est appelé Marguerite. Faust devient immédiatement amoureux d'elle et fait appel au diable pour l'avoir.

Dans le chapitre 22 du Maître et Marguerite, le diable Koroviev fait référence à «une reine française du XVIème siècle» et suggère que Marguerite pourrait être sa «ravissante arrière-arrière-arrière-arrière-petite-fille». Il se réfère à Marguerite de Valois (1553-1615), dont le mariage avec Henri de Navarre (1553-1610), le futur roi français Henri IV, a été l'occasion de la tristement célèbre nuit de la Saint-Barthélemy à Paris. Dans la nuit du 24 au 25 août 1572, un massacre y a eu lieu sur les huguenots protestants. Le mariage de Marguerite et Henri a connu beaucoup de déceptions mutuelles et de longues périodes de séparation. En 1599 il a été dissout, mais Marguerite a été autorisée à garder son titre de reine.

Marguerite de Valois était la fille de Catherine de Médicis (1519-1589) et elle avait comme surnom la Reine Margot. Dans le roman, Marguerite est régulièrement appelé Margot, souvent en combinaison avec le titre de reine.

Et puis il y avait Marguerite de Navarre (1492-1549). Elle était la sœur de François I (1494-1547), qui était le grand-père de la Marguerite de Valois susmentionnée. Marguerite de Navarre elle-même était la grand-mère de Henri IV, avec qui Marguerite de Valois se maria plus tard. Sur le site web de la bibliothèque de l'Université d'Angers, la confusion est encore plus grande puisqu'ils décrivent Marguerite de Navarre comme Marguerite de Valois, reine de Navarre. Il n'est pas étonnant que Boulgakov les ait fusionnées en une personne uniqie dans Le Maître et Marguerite.


D'autres interprétations


Alfred Nikolaïevitch Barkov

Le philologue ukrainien entêté Alfred Nikolaïevitch Barkov (1941-2004) était d'avis que le prototype de Marguerite n'était pas Ielena Sergueïevna Chilovskaïa, mais une certaine  Maria Fïodorovna Iourkovskaïa (1868-1953), une actrice du  théâtre d’art de Moscou MKhAT qui était mieux connue sous le pseudonyme de Maria Andreïeva. Elle fut la maîtresse de l'auteur russe Maksime Gorki (1868-1936) qui lui, à son tour, aurait été le prototype du maître. Selon Barkov, Marguerite aurait été une prostituée envoyée par Woland qui lui-même aurait été l'incarnation de Vladimir Ilitch Lénine (1870-1924).


Viktor Ivanovitch Losev

Viktor Ivanovitch Losev (°1939), le compilateur de Mon pauvre, pauvre maître, un livre qui rassemble chronologiquement toutes les versions survivantes du Maître et Marguerite, suggère qu'il y avait encore un autre prototype pour Marguerite.

Losev fait référence au livre Marguerite de la nuit (1925) de l'écrivain français Pierre Mac Orlan, pseudonyme de Pierre Dumarchey (1882-1970). Dans ce livre, le professeur Georg Faust, quatre-vingts ans, vend son âme à Monsieur Léon, une réincarnation du diable Méphisto, faisant de Faust un charmant jeune homme qui rencontre la danseuse rousse Marguerite. Après être tombée amoureuse de Faust, Marguerite a voulu le libérer de Méphisto et a volontairement passé un accord avec le diable.

Pour l'anecdote: en 1913, l'auteur Pierre Mac Orlan a épousé Marguerite Luc (1886-1963), une serveuse du célèbre cabaret Au Lapin Agile à Montmartre, Paris. Un autre visiteur régulier de ce cabaret, Pablo Picasso (1881-1973), a immortalisé cette Marguerite sur sa toile La Femme à la corneille (1904).

Cependant, je n'ai trouvé aucune référence à la Marguerite de Mac Orlan dans les écrits de Boulgakov. Je me demande d'ailleurs pourquoi Boulgakov serait inspiré par une copie, connaissant les originaux de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1842) et Charles Gounod (1818-1893) par cœur, pour ainsi dire.


Des fausses Marguerites

Et puis bien sûr, il y a les femmes qui pensaient que Boulgakov les avait en tête lorsqu'il a créé le personnage de Marguerite. Nous avons fait une page séparée à leur sujet.

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