Mikhaïl Boulgakov

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Mikhaïl Boulgakov en Ukraine

Mikhaïl Afanasievitch Boulgakov est né le 3 [15] mai, 1891 à Kyïv, la capitale actuelle d'Ukraine. Il a grandi dans une famille de 7 enfants. Son père  Afanasi Ivanovitch Boulgakov (1859-1907) était professeur à l'Académie théologique. Après avoir fini son école primaire au Gymnase local, Boulgakov s'est inscrit à la Faculté de médecine de l'Université du Saint-Vladimir à Kyïv, où il a obtenu son diplôme en 1916. Avant cela, il avait fait connaissance à Tatiana Nikolaïevna Lappa (Tasia), avec laquelle il a regardé l'opéra Faust de Charles Gounod (1818-1893) au moins dix fois en 1912.  En 1913 il s'est marié avec elle. Il a commencé à travailler à l'Hôpital militaire et ensuite à l'Hôpital Tchernovtsi, tous les deux situés à Kyïv. Avec Tasia il a déménagé à la campagne, à Smolensk, pour devenir un médecin de campagne. Ses expériences là ont été décrites dans Carnets d'un jeune médecin.

En 1918 Boulgakov est revenu à Kyïv, où les différents partis luttaient l'un contre l'autre. Il a commencé sa pratique de medecin à Andreïevski spousk 13 dans une maison qu'il a abondamment décrite dans son roman La Garde blanche. La maison est maintenant devenue un musée de Boulgakov.

Vers le site web du musée de Boulgakov à Kyïv.

C'était à la fin de la Première Guerre mondiale, quand les nationalistes ukrainiens, l'Armée rouge (les bolcheviques) et l'Armée blanche (les antibolcheviques) luttaient l'un contre l'autre. Boulgakov a connu dix changements de pouvoir. À maintes reprises, les gouvernements successifs ont mobilisé le jeune docteur dans leurs services. En 1919 il a été mobilisé de nouveau par l'Armée blanche comme médecin militaire, et ensuite il a été transféré au nord du Caucase. Là il est tombé sérieusement malade du typhus duquel il a à peine survécu. Une fois guéri, il a abandonné sa carrière de médecin pour celle d'auteur.Dans son autobiographie, Boulgakov se souvient comment il a commencé à écrire: «Une fois en 1919  je voyageais la nuit en train et j'ai écrit un conte. Dans la ville où le train s'est arrêté, j'ai soumis l'histoire à l'éditeur du journal local qui l'a publiée». Ses premières pièces, Autodéfense et Les Frères Tourbine, ont été écrites à Vladikavkaz et représentées avec un grand succès au théatre local.

Ses frères ont été exilés à Paris. Nikolaï (1898-1966) est devenu un bactériologiste notoire, Ivan (1900-1968) est devenu – comme le stéréotype d'un émigrant russe Blanc – d'abord joueur de balalaïka et ensuite chauffeur de taxi. Mikhaïl Boulgakov n'a jamais quitté la Russie, il n'a jamais pu obtenir les documents nécessaires pour rendre visite à ses frères en France.

Mikhaïl Boulgakov à Moscou

En 1921 la guerre civile est terminée. Boulgakov a d'abord cherché des possibilités d'émigrer d'un port de la Mer Noire, mais il a cessé ses efforts après quelques essais infructueux. Après des errances à Vladikavkaz, Piatigorsk, Tiflis et Batoum, Boulgakov est allé à Moscou en 1921, avec l'intention «d'y rester pour toujours». Il a essayé de gagner sa vie comme auteur. Il a combiné le travail de bureau avec le poste de journaliste pour des magazines commerciaux. Pour éviter l'inanition il avait rejoint un groupe d'acteurs ambulants qui jouaient dans les banlieues. Quand, en 1922, le journal Рабочий [Rabotchi] ou l'Ouvrier a été fondé, il a commencé à écrire des articles en utilisant le nom de plume Mikhaïl Boul. Il a aussi été nommé secrétaire du département littéraire du Главный политико-просветительный комитет Наркомпроса РСФСР (Главполитпросвет) [Glavni politiko-prosvetitelny komitet Narkomprosa RSFSR (Glavpolitprosvet)] ou le Bureau central pour l'éducation politique. Il y a travaillé comme correspondant et il a écrit des feuilletons pour les journaux Goudok, Krasnaïa panorama et Nakanune, un journal à Berlin, qui publierait beaucoup de ses ouvrages dans le monde occidental. Il a connu son premier divorce et s'est remarié à Lioubov Ievguenievna Bielozerskaïa (1894-1987) en 1924.

Il a écrit tant d'histoires bizarres que de romans – Cœur de chien, Les Œufs du destin, Endiablade et Les Aventures de Tchitchikov. Leur caractéristique commune était la satire – il n’y pouvait rien : «Mon esprit est satirique. Et j'écris des histoires qui sont sans doute désagréables pour le régime communiste. Mais je décris toujours exactement ce que je vois, honnêtement! Les choses négatives au pays des Soviets attirent mon attention et elles nourrissent mon travail comme un satiriste».

Son roman La Garde blanche (1924) était l’une des seules œuvres publiées en Union soviétique qui décrivait la cause Blanche pendant la guerre civile avec sympathie. Il a été d'abord publié dans le journal Rossiya. Plus tard l’histoire a été adaptée pour un théâtre qui existe toujours, le Московский Художественный театр (Moskovski Khoudozhestvenny Teatr), le théâtre d’art de Moscou MKhAT. La pièce était intitulée Les Jours des Tourbine et a eu sa première en 1926. Boulgakov a dû faire des modifications radicaux dans le texte original et le réduire de quatre actes à trois. En 1969, le critique littéraire russe Viktor Peteline (°1929) avait écrit un article sur M.A. Boulgakov et Les jours des Tourbine dans Ogoniok, l'un des plus anciens magazines hebdomadaires illustrés en Russie. Dans cet article, il a affirmé que Joseph Vissarionovitch Staline (1878-1953) aurait vu Les Jours des Tourbine 15 fois (Ogoniok, 1969, numéro XI, p. 27). Cependant, le Musée M. A. Boulgakov à Moscou a une copie d'un article faisant référence à cela, avec la note manuscrite «Это липа!» [Eto lipa] ou «Ceci est faux!». Selon le musée, Lioubov Ievguenievna Bielozerskaïa (1894-1987), c’est la deuxième femme de Boulgakov qui aurait écrit ce commentaire.

Quoi qu'il en soit, la comédie L'Appartement de Zoïka, la pièce suivante de Boulgakov, remporta un énorme succès. Ensuite, dans La fuite il décrivit la terreur d'une guerre fratricide. Mais le Главрепертком [Glavrepertkom] ou le Bureau central pour les répertoires, qui avait l'autorité de censurer ou d'interdire des pièces de théâtre, jugea que la pièce glorifiait l'émigration des généraux Blancs et l'interdit. Boulgakov était l’un des dramaturges les plus populaires de son temps, mais ses pièces ont été fermement critiquées dans la presse soviétique. Le 15 septembre 1929 le journal Izvestia a écrit: «Son talent est manifestement évident, mais ainsi est  le caractère social réactionnaire de son œuvre». Comme l'Union soviétique est devenue plus rigide idéologiquement à la fin des années '20, l'œuvre de Boulgakov a été citiquée encore plus et toutes ses pièces ont été complètement interdites en 1929. Durant cette période Boulgakov a commencé à travailler sur Le maître et Margarita et il a rencontré Ielena Sergueïevna Chilovskaïa(1893-1970), avec laquelle il a entamé une relation passionnée. Son nom de jeune fille était Ielena Sergueïevna Niourenberg, mais quand elle a rencontré Boulgakov elle était mariée à son deuxième mari, l'officier militaire Ievgueni Aleksandrovitch Chilovski (1889-1952). Cette rencontre eut lieu dans la maison des frères et artistes Moiseïenko au passage Bolchoï Gnezdnikovski n° 10, une rue transversale de Tverskaïa.

En juillet 1929, Boulgakov a écrit sa première lettre au gouvernement soviétique et à l'auteur Maksime Gorki (1868-1936), en demandant l'autorisation de quitter le pays. Les critiques dans les journaux lui étaient très hostiles. Des termes comme сукин сын [soukin syn] ou fils d'une chienne, мурло [mourlo] ou museau sale et литературний уборщик [literatourni ouborchtchik] of l'éboueur littéraire ont été utilisés fréquemment. Des phrases comme «Micha Boulgakov fouille dans les vieilles poubelles», «Il crache son fiel empoisonné mais impuissant sur la classe ouvrière et ses idéaux communistes», «il ramasse les restes après qu'une bonne douzaine d'invités ont dégueulé» ou «Je suis du genre délicat, contente-toi de lui envoyer une bassine à travers la gueule» ont eté été lus. Le critique le plus injurieux était Anatoli Lounatcharski (1875-1933) qui avait été le Commissaire du peuple pour l'éducation, l'éclaircissement et les sciences jusqu'à 1929.

Boulgakov s'est alors trouvé sans revenus et il a fait ce que tant d'auteurs ont fait durant la période soviétique: il a écrit une lettre au gouvernement le 28 mars 1930. Il a dit, entre autres, qu’en dix an de profession d'auteur, il avait lu 301 articles sur lui dans la presse soviétique, «Из них: похвальных – было 3, враждебно-ругательных – 298» [Iz nikh: pokhvalnykh – bylo 3, vrajdebno-rougatelnykh 298] c’est-à-dire «parmi lesquels 3 flatteurs – et 298 offensants ou hostiles».

Dans cette lettre, il demandait aussi, explicitement et en majuscules: «je demande au gouvernement de l'USSR pour m'ordonner d'urgence de quitter les frontières de l'USSR accompagné de ma femme Lioubov Ievguenievna Boulgakova».

Sa sincérité sur ce dernier point peut être discutable parce que, quand Boulgakov fut appelé par Staline en personne quelques semaines plus tard, le 18 avril 1930, quatre jours après le suicide de Vladimir Vladimirovitch Maïakovski (1893-1930), et lorsque Staline lui demanda s'il voulait vraiment quitter le pays, Boulgakov a répondu que, en tant qu’auteur russe, il ne pourrait jamais vivre à l'extérieur de la Russie et loin de la langue russe. Nous ne saurons jamais ce qui aurait pu arriver s'il avait répondu de façon positive à la question de Staline. Il est vraisemblable que Boulgakov savait très bien que Staline l'aurait arrêté plutôt que de répondre favorablement à sa demande. En tout cas, la confirmation de Boulgakov qu'il voulait rester en Russie a été bien reçue. Staline a terminé la conversation en disant que la demande de Boulgakov aurait une réponse positive. Peu après cela on lui a offert un emploi comme directeur-assistant au théâtre d'art de Moscou MKhAT.

1930 fut donc une année assez heureuse pour Boulgakov, mais cela change quand, au début de 1931, Ielena Sergueïevna décida qu'ils ne pouvaient plus se voir. Son mari, Ievgueni Aleksandrovitch Chilovski avait été mis au courant de leur relation et elle était inquiétée du bien-être de ses deux fils. Boulgakov fit alors quelqes autres essais pour quitter le pays afin de visiter ses frères, mais cela n'a pas marché.

En juin 1932, il retrouva Ielena Sergueïevna et cette fois-ci pour toujours. En septembre son mariage fut dissous et le 4 octobre, elle épousa Boulgakov, le jour après son divorce de Lioubov Ievguenievna.

A cette époque, Boulgakov commença à écrire plus d'adaptations et de la fiction historique, ce qui était idéologiquement moins dangereux que d'écrire des pieces originales. Il a adapté Les Âmes mortes de Nikolaï Vasilievitsch Gogol (1809-1852) et Don Quichote de Miguel de Cervantes Saavedra (1547-1616) pour le théâtre russe. Il a aussi écrit une biographie du dramaturge français Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), mieux connu sous son nom de plume, Molière, et peu après une pièce de théâtre intituleé La Cabale des hypocrites qui mettait en scène la situation d'un auteur sous une dictature autocratique. Après quatre ans de répétitions dans le théâtre d'art de Moscou MKhAT, la pièce était attaquée dans le journal Pravda et après sept représentations elle fut interdite. Une autre pièce, Pouchkine (Les Derniers jours), était consacrée au même sujet et a reçu le même traitement. Boulgakov était dans le pétrin de nouveau et cette fois-ci il devint un auteur de librettos pour l'opéra Bolchoï.

Boulgakov avait espéré regagner les bonnes grâces du régime en écrivant une pièce sur Staline à l'occasion de son 60ème anniversaire. Cette pièce, Batoum, se situait dans le Caucase et décrivait la jeunesse de Staline comme un activiste. Le 15 août 1939, Boulgakov était dans le train vers Batoum pour commencer les répétitions quand il fut rappelé à Moscou par un télégramme. La pièce a été interdite. Ce nouveau revers doit vraisemblablement avoir eu une influence sur sa santé instable.

En septembre 1939, Boulgakov perdit la vue lors d'un voyage à Leningrad. En tant que médecin, il a immédiatement compris que cela pourrait être un symptôme de la néphrosclérose, la maladie dont son père était mort. Son ami et médecin Andreï Andreïevitch Arendt (1890-1965), le fondateur de la neurochirurgie pour les enfants en Union soviétique, le mit en contact avec le neuropathologiste Mikhaïl Youlevitch Rapoport (1891-1967). Ce dernier, à son tour, renvoya Boulgakov au professeur Miron Vovsi (1897-1960), qui examina Boulgakov le 17 septembre 1939.

Vovsi était connu pour être assez bref dans l'expression de son diagnostic. Il dit immédiatement à Ielena Sergueïevna que Boulgakov mourrait dans les trois jours. Boulgakov mourra seulement sept mois plus tard, mais il n'arrêtait pas de penser à sa rencontre avec Vovsi, et le 15 janvier 1940, il a dicté à sa femme Ielena Sergueïevna la scène de la visite du buffettier Andreï Fokitch Sokov du théâtre des Variétés au professeur Kouzmine.

Boulgakov décéda le 10 mars 1940, deux semaines après avoir dicté d’autres corrections pour Le Maître et Marguerite.



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