21. Dans les airs

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Le titre

Le vol de Marguerite sur Moscou a inspiré le groupe pop Franz Ferdinand pour la chanson Love and Destroy en 2004.

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Ayant survolé sa rue dans sa longueur

Bien qu'il y ait des opinions différentes, nous avons de solides arguments pour croire que «sa rue» était la rue Taneïevoutch dans les environs de l'Arbat.

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Avec le lien suivant, vous pouvez suivre la description de Boulgakov du vol de Marguerite, de la Taneïevoutch oulitsa jusqu'à la Maison Dramlit.

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Une de ces échoppes de planches

Des résidents plus âgés se souviennent qu'il y avait réellement un magasin de pétrole au numéro 20 du passage Sivtsev Vrajek, une rue parallèle à l'Arbat.


Les tubes lumineux éblouissants, au coin d’un théâtre

En 1926, le théâtre au numéro 26 de l'Arbat, prit le nom du metteur en scène Ievgueni Bagrationovich Vakhtangov (1883-1922), un élève de Konstantin Sergueïevitch Stanislavski (1863-1938). Le bâtiment original du XIXème siècle a été détruit par une bombe au cours des années '40. Il a été reconstruit au même endroit.


Deux réchauds à pétrole

De nouveau, Boulgakov mentionne les réchauds à pétrole. Il l'a fait déjà dans le chapitre 4 et ils joueront un rôle important lorsque Koroviev et Béhémoth feront une scène à Moscou dans le chapitre 28. L'insuffisance d'espace pour vivre après la révolution a causé le phénomène typiquement soviétique de l'appartement communal, dans lequel plusieurs familles avaient une ou deux pièces privées et partageaient la cuisine et les toilettes. Le réchaud à pétrole, souvent indiqué comme primus, est une cuisinière portative avec un brûleur alimenté par du benzène pressurisé, est apparu en même temps et est devenu un symbole de la vie en appartement communal. Chaque famille avait son propre réchaud à pétrole.


Une énorme et luxueuse maison de huit étages, de construction visiblement toute récente

Dramlit, la maison pour dramaturges et litéraires est, suivant la description du vol par Boulgakov, située dans le passage Bolchoï Nikolopeskovski, près de l'Arbat.

Il n'y avait cependant pas de tel bâtiment dans le passage Nikolopeskovski. Boulgakov avait simplement déplacé un autre bâtiment, construit en 1935, à cet endroit. Cet autre bâtiment était de l'autre côté de la rivière de Moscou, dans le passage Lavroutchinski n° 17, près de la gallerie Tretiakov. L'appartement 84 de ce bâtiment était effectivement au septième étage et ressemble bien à la description dans le roman, aussi bien que les autres appartements du bâtiment, d'ailleurs.

En plus, dans l'appartement 84 a effectivement habité Osaf Semienovitch Litovski (1892-1971), le chef du Главный репертуарный комитет (Главрепертком) [Glavni repertouarni komitet] (Glavrepertkom) ou le Comité central pour les répertoires de 1930 à 1937. Litovski a introduit le terme Булгаковщина  [Boulgakovchtchina] ou Boulgakovisme après les premières représentations de la pièce Les Jours des Tourbine. Une description très proche de la personnalité du critique Latounski.

Sept étages? Ou huit? Il faut y être allé pour le savoir. Le texte de Boulgakov mentionne: восьмиэтажного [vosmietajnovo] ou huit étages. Les traducteurs français l'ont juste traduit comme «une énorme et luxueuse maison de huit étages, de construction visiblement toute récente». Dans la traduction néerlandaise pourtant nous lisons «sept étages». Cette confusion résulte du fait qu'en Russie le rez-de-chaussée est compté comme le premier étage.

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L’instrument de salon fabriqué par Becker, complètement innocent en cette affaire

Jacob Davidovitch Becker (1811-1879), un artisan né en Allemagne, a créé son atelier de construction de pianos à Saint-Pétersbourg en 1841. Il était le premier à appliquer des technologies américaines et européennes dans la construction de pianos en Russie. En 1903 la société a fusionné avec l'usine de construction de pianos d'Ivan Karlovitch Schröder (?-1889). En 1917 elle fut nationalisée et rebaptisée en Usine d'Octobre Rouge.

En 1991, après l'effondrement de l'Union soviétique, la société a été rebaptisée en Usine de Piano de Saint-Pétersbourg, mais a fait faillite laissant une dette totale de 13 milliards de roubles. Lee Alexander Magness, le petit-fils texan d'Ivan Karlovitch Schröder, utilise tous les moyens possibles depuis 1994 pour mettre la main sur l'usine.

En 1999, le Juge de district des États-Unis David Hittner à Houston, Texas, a accordé à Magness, sa mère Nina Schröder, et sa tante Agnes Schröder, les filles d'Ivan Karlovich Schröder, des dommages estimés à 234 millions de dollars, après que la Fédération de Russie eut échoué de répondre à la plainte. Mais en avril 2001, la Cour d'appel des États-Unis pour le cinquième circuit à La Nouvelle-Orléans a jugé que les Russes n'étaient pas correctement traités dans le procès, et a annulé le jugement. Le gouvernement des États-Unis est intervenu dans cette affaire en faveur de la Fédération de Russie avec un document dit amicus curiae. Magness a demandé une nouvelle audience, mais en octobre 2001, la Cour suprême des États-Unis a refusé d'écouter les arguments de Magness.


C’est un rêve que tu fais

La façon dont Boulgakov joue avec la grammaire russe ici est intraduisible. «Rêver de quelqu'un» en russe est exprimé par le verbe снитться [snitsia], mais dans une construction assez particulière, avec la personne dont on rêve comme le sujet et la personne qui rêve dans le datif. «J'ai rêvé d'elle»s'exprime en russes comme: «elle a été rêvée par moi».

C'est pour cela que le verbe снитться [snitsia]apparaît presque toujours à  la troisième personne du singulier, puisque l'on dit rarement d'avoir été vu dans le rêve de quelqu'un. Mais c'est exactement ce que Marguerite fait: «я тебе снюсь» [ia tebie snious], elle dit, «j'ai été rêvé par toi». En français traduit comme: «Où tu es, Madame?», «Nulle part, c’est un rêve que tu fais».

Après elle dit: «Allonge-toi (…) je continuerai être dans ton rêve» - traduit comme: «je viendrai te voir dans ton rêve». Et le garçon répond: «Ну, снись, снись» [Nou, snis, snis], ce qui est la forme imperative: «Eh bien, sois mon rêve, sois mon rêve» - traduit par Claude Ligny comme: «Oui, viens, viens».


Ma reine de France!

Avec cette exclamation Natacha indique déjà ce qui sera confirmé par Koroviev dans le chapitre suivant – le fait que Marguerite est «l'arrière-arrière-arrière-arrière-petite-fille» d' «une reine française qui vivait au XVIème siècle».


Un individu bedonnant, tout nu, mais coiffé d’un haut-de-forme de soie noire rejeté sur la nuque

Je ne sais pas (encore) qui pourrait être cet homme. Mais il a connu Claudine, «la veuve infatigable» (voir ci-dessous), et la «lumineuse reine Margot» – ce qui était le nom populaire donné à Marguerite de Valois (voir ci-dessous). Et apparemment il a été l’ami de l'éditeur François Guessard (1814-1882) à Paris, ici traduit comme Hessart, qui a vécu trois siècles après les deux dames mentionnées ci-dessus.


Claudine

Claudine de La Tour-Turenne (1520-1591) était la dame d’honneur de Marguerite de Valois (1553-1615), l'épouse du roi français Henri IV (1553-1610). Le 31 octobre 1535 Claudine s'est mariée, à l'âge de 15 ans, à Just II (1510-1557), seigneur de Tournon et comte de Roussillon. À l'âge de 37 ans elle est devenue veuve.


La lumineuse reine Margot

La reine Margot est Marguerite de Valois (1553-1615), reine de France et de Navarre, Elle était la fille d’Henri II (1519-1559) et de Catherina de Medici (1519-1589). Trois de ses frères ont été roi de France: François II (1544-1560), Charles IX (1550-1574) et Henri III (1551-1589).

Sa mère a d'abord essayé qu’elle ait des relations avec d'autres hommes différents, mais elle est finalement arrivée chez son cousin, Henri de Navarre (1553-1610), qui devint plus tard le roi Henri IV. Le mariage a eu lieu le 18 août 1572. Henri était protestant et selon des sources différentes Catherine de Médicis aurait essayé de profiter de la réunion des Huguenots à Paris pour organiser le massacre de la Saint-Barthélemy dans la nuit entre le 24 et 25 août 1572.

Le mariage de Marguerite et d’Henri a connu beaucoup de tricheries réciproques et de longues périodes de séparation. En 1599 il a été annulé, mais Marguerite a gardé son titre de reine.

Ses mémoires, publiées plus de cent ans après sa mort, décrivent des anecdotes innombrables des rois Charles IX, Henri III et Henri IV. Tout au long de sa vie, elle a provoqué beaucoup de scandales elle-même. Elle est décédée le 27 mai 1615.


La noce sanglante du sieur Hessart

L'homme soûl est effectivement tout à fait troublé: peu à peu, il perdait la notion du temps. Гессар [Gessar], traduit comme Hessart dans la traduction française du roman, était François Guessard (1814-1882) un écrivain et éditeur parisien qui a publié la correspondance de Marguerite de Valois, mais qui a vécu au XIXème siècle – il a publié Les Mémoires et lettres de Marguerite de Valois en 1842. Le «mariage ensanglanté» était le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572.


Le bord de l’Ienisseï

L'Ienisseï est un fleuve de 4,129 km qui est souvent considéré comme la séparation entre la Sibérie de l'est et la Sibérie de l'ouest.


Les diaphanes ondines

Le traducteur français Claude Ligny parle d'ondines. Mais une ondine (ondin au masculin) est une créature des eaux dans la mythologie germanique (où elle est également désignée sous le terme de nixe) ou alsacienne, tandis que Boulgakov a décrit spécifiquement des русалки [roussalki], ou roussalka en singulier, qui sont des nymphes russes. Les roussalki ont été raccordés au monde de la mort. C'étaient de jeunes femmes qui mouraient avant d’avoir pu se marier. En pleine nuit elles sortaient de l'eau de la rivière pour danser dans les prairies. Quand elles voyaient des hommes élégants, elles les chatouillaient avec leurs chansons et leurs danses, elles les hypnotisaient et elles les emmenaient au fond de la rivière, pour y vivre avec eux.


Une sorte de faune à pieds de chèvre

Les spectres de bois et les démons étaient souvent décrits avec la partie basse du corps d'un animal. L'écrivain russe Boris Nikolaïevitch Bougaïev (1880-1934), qui utilisait le nom de plume Andreï Biély (voir chapitre 18) a décrit un homme avec les jambes d'une chèvre à un sabbat dans sa Северная симфония [Severnaïa simphonia] ou Symphonie nordique en 1902.


Un freux noir à long bec

Un freux est un grand oiseau noir, le trypanocorax frugilegus, qui ressemble à un corbeau. Le sculpteur russe Aleksandr Roukavichnikov (°1950) a réalisé une énorme statue du chauffeur de Marguerite. A l'origine, la sculpture faisait partie d'un grand monument qui aurait dû être érigé sur l'étang du Patriarche en l'honneur de Boulgakov, avec un énorme réchaud à pétrole et Yeshoua marchant sur l'eau.

Mais en février 2003, le projet a été supprimé après de nombreuses plaintes. La statue du freux est maintenant mise dans le jardin du sculpteur dans la rue Bolchaïa Moltchanovka à Moscou, à côté d'une charmante sculpture d'un Aleksandr Serguïevitch Pouchkine (1799-1837) dormant. Roukavichnikov a également réalisé la statue de Koroviev et Béhémoth qui orne désormais la cour de la maison de Boulgakov à Moscou.



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