28. Les dernières aventures de Koroviev et Béhémoth

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Le magasin étranger

Dans le texte russe de Boukgakov le nom du magasin étranger est mentionné par son nom: il s'agit du magasin Торгсин [Torgsin]. Torgsin est une autre contraction soviétique typique pour Торговля с иностранцами [Torgovlia s inostrantsami] ou Commerce avec les étrangers. C'était le nom pour ces magasins au cours des années ‘20 et ‘30.

En théorie, quelqu'un avec des devises dures ou des objets de valeur pouvait entrer dans ce magasin et acheter des marchandises qui étaient impossible à obtenir autrement – comme les aliments et les vêtements. Il y avait, évidemment, les gardes de sécurité à la porte qui ne laissaient pas entrer les gens qui n’avaient pas de devises.

Le magasin spécifique mentionné dans le roman est le Torgsin sur la place Smolenskaïa, au coin d'Arbat et de la Ceinture des Jardins. Aujourd'hui, il fonctionne toujours comme un supermarché haut de gamme et fait partie de la chaîne Gastronom.

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Haroun al-Rachid

Les Abbassides étaient une dynastie de l'Empire arabe qui a régné de 750 à 1258 à la capitale Bagdad. Le chef de la dynastie était le calife. Un des califes était Haroun-Al-Rachid (?766-809). Il était connu dans la légende parce qu’il se promenait en ville la nuit déguisé comme un mendiant, et il se familiarisait avec la vie de ses sujets. Il est devenu un héros de chansons et il figure dans quelques histoires dans Les 1001 nuits.


Palossitch

Palossitch est la contraction du prénom et du patronyme de Pavel Iosifovitch. Dans les discours rapides les prénoms et les patronymes sont souvent contractés en russe.


Harengs de Kertch, premier choix

Le hareng de Kertch est une sorte très précieuse de hareng de la ville de Kertch, qui est située dans le coin sud-ouest de la Crimée, à la Mer d'Azov.


Siffle!

Comme Archibald Archibaldovitch finit sa façon vigoureuse d'agir avec l'exclamation «Siffle!» dans le chapitre 5, l’impressionnant Pavel Iosifovitch donne exactement le même ordre pour appeler la police.


Ah ! ça me fait de la peine ! Beaucoup, beaucoup de peine !

Koroviev ne dit pas exactement que ça lui fait beaucoup, beaucoup de peine. Dans le texte original du roman, il dit: Горько! Горько! [Gorko! Gorko!] ou Amer! Amer!, et cette exclamation est suivie par la précision qu’il le fait «...comme le garçon d’honneur dans les noces à l’ancienne mode».

Il existe, en effet, une tradition russe de crier Горько! [Gorko] ou Amer! de temps en temps pendant le banquet d’un mariage. On s'attend alors à ce que les nouveaux mariés s'embrassent afin de rendre les choses douces.

Dans le film fort apprécié Москва слезам не верит [Moskva slezam ne verit] ou Moscou ne croit pas aux larmes de Vladimir Valentinovitch Menchov (°1937) de 1979 nous pouvons voir un mariage au cours duquel les invités scandent «Amer! Amer!». Le film a remporté l’Oscar pour le Meilleur film de langue étrangère en 1979. La scène avec «Amer!» est à la fin du fragment. Au début, vous pouvez voir les gens danser la kamarinskaïa (voir chapitre 23).

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Don Quichotte

Don Quichotte est le roman mondialement réputé, écrit entre 1605 et 1615, par l'auteur espagnol Miguel de Cervantes Saavedra (1547-1616). Boulgakov connaissait ce roman très bien, parce qu'il en a fait une adaptation pour le théâtre en 1937-1939.

Lorsque les censeurs ont approuvé l'adaptation sur scène de Boulgakov, ils ne savaient pas qu'ils sanctionnaient une critique subtile mais puissante de la domination stalinienne. Boulgakov n'a jamais vu la pièce jouée: elle a été réalisée en 1940, quelques mois seulement après sa mort.


Âmes mortes

Les Âmes mortes est le roman mondialement réputé, écrit entre 842 et 1852 par l'auteur russe Nicolas Vassiliévitch Gogol (1809-1852). Boulgakov connaissait ce roman très bien aussi, depuis qu'il en a fait une adaptation pour le théâtre en 1930-1932. Comme Boulgakov lui-même et comme le maître, Gogol avait brûlé une partie de son manuscrit.


Melpomène, Polymnie et Thalie

Melpomène, Polymnie et Thalie sont trois des neuf muses grecques : Melpomène est la muse de la tragédie, Polymnie est la muse de la danse, plus tard aussi de la pantomime et Thalie est la muse de la comédie.


Revizor

Ревизор [Revizor] est une comédie écrite par Nicolas Vassiliévitch Gogol (1809-1852) et un des chefs d’œuvre du théâtre russe. La pièce a été écrite en 1836 et Boulgakov en a fait un scénario pour un film qui n'a jamais été réalisé.


Eugène Onéguine

Koroviev ne fait pas allusion à l’opéra de Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), mais au long poème de vers écrit par Aleksandr Sergueïevitch Pouchkine (1799-1837) sur lequel l'opéra a été basé.


Vos certificats?

Griboïedov est la maison des écrivains. Le nombre de gens qui peuvent profiter des délices qu'Archibald Archibaldovitch peut évoquer sur la table est limité. Cette scène fait penser au roman philosophique Sur la pierre blanche, une œuvre de l'écrivain français Jacques Anatole-François Thibault (1844-1924), mieux connu sous le nom d'Anatole France, qui a été publiée pour la première fois du 18 avril au 13 mai 1904 sous forme de feuilleton dans le journal socialiste nouvellement créé l'Humanité.

Le personnage Jacques Hippolyte Dufresne lit à quelques amis une histoire dans laquelle il se retrouve en l'an 2270. Une grande partie du monde est alors constituée d’une seule fédération dans laquelle l'idéal socialiste fut réalisé et les inégalités avaient (presque) totalement disparues.

Au cours d'une promenade, il voit une belle grande maison où il y a beaucoup de gens qui semblent dîner dans un environnement très agréable. Quand il veut entrer, cependant, il est arrêté, parce qu'il n'a pas de bon. Le portier ne comprend pas «comment l’on voyage sans bons» et il lui refuse l'accès.


Dostoïevski

«Dostoïevski est mort», dit la citoyenne, d’un ton qui, déjà, manquait un peu de conviction. «Je proteste!», s’écria Béhémoth avec chaleur. «Dostoïevski est immortel!» Ceci est une autre citation du Maître et Marguerite qui est devenue très populaire quand le roman a été publié pour la première fois.

En fait, Boulgakov a utilisé cette idée déjà plus tôt, dans La vie de Monsieur de Molière, son roman de 1933, décrivant la vie de Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), connu sous son nom de scène Molière. Dans ce roman, Boulgakov a décrit comment le roi Louis XIV (1638-1715) voulait rendre visite à Molière. Mais le prince Armand de Bourbon-Condé (1629-1666) vint à sa rencontre, et dit: «Molière est mort» .Louis XIV ôta son chapeau et répondit: «Molière est immortel».

Dans le feuilleton Momie égyptienne (Histoire d'un membre du syndicat) écrit par Boulgakov en  1924, le président d'un syndicat local demande: «Et où vit Karl Marx?» Un jeune homme crie à propos de Marx: «Il est mort!» Mais le président aboya: «Non! Il vit dans le cœur du prolétariat».

Les deux scènes sont des considérations satiriques de Boulgakov sur la propagande soviétique, qui suggère souvent l'immortalité des théoriciens et des dirigeants de la révolution – ou tout au moins leurs idées. Un exemple bien connu est le poème Komsomolskaïa de 1924, écrite par Vladimir ladimirovitch Maïakovski (1893-1930), dans lequel, comme un mantra, les mots suivants sont constamment répétés: «Ленин жил, Ленин жив, Ленин будет жить» [Lenin jil, Lenin jiv, Lenin boudet jit] ou «Lénine a vécu, Lénine vit, Lénine vivra!»


Sophia Pavlovna

La citoyenne semble avoir le même nom que l'héroïne d'Ennui de l'esprit, écrit par Aleksandre Sergueïevitch Griboïedov (1795-1829). C’est peut-être cette connexion qui lui a fourni un emploi si prisé à la maison Griboïedov. Elle avait cependant un petit problème: elle ne savait pas que Dostoïevski était immortel.


Panaïev et Skabitchevski

Koroviev et Béhémoth s’enregistrent en utilisant les noms de l'auteur Ivan Ivanovitch Panaïev (1812-1862) et du critique et journaliste Aleksandre Skabitchevski (1858-1912). Aucun des deux n'a vécu dans l'ère soviétique, mais Boulgakov les a considérés comme de seconde zone. Selon lui ils n’étaient pas capables de voir le sens profond, ils pouvaient seulement juger sur base de critères superficiels comme l'adhésion à l'union des auteurs.

Donc ils étaient échangeables, comme Boulgakov a illustré quand ils s’enregistrent. À côté du nom Panaïev Koroviev signe avec Skabitchevski et Béhémoth fait exactement l’inverse.


Un filet d’esturgeon tout à fait spécial

Dans le texte original l’esturgeon est plus spécifié que dans la traduction française. Boulgakov parle d’un балык [balouk]. Le balouk ou балычок [baloutchok] est un long filet de poisson coupé en un long morceau et ensuite fumé ou salé. Il est très cher.


Le romancier Petrakov-Soukhovieï

Je ne sais pas (encore) s’il existe des prototypes réels pour le romancier Petrakov-Soukhovieï ou sa femme Antonida Porphyrievna. Le mot суховей [soukhoveï] fait allusion à un vent sec chaud et порфир [porfir] est une sorte dure de pierre, comme le granit.


Vodka Moskovskaïa

Московская водка [Moskovskaïa vodka] est, littéralement, Vodka de Moscou. C'est le nom de marque d'une vodka de grain de 40 degrés.


L’échotier Boba Kandaloupski

Je ne sais pas (encore) s’il existe un prototype réel pour ce personnage. Боба [Boba] est un diminutif pour Борис [Boris], des кандалы [kandali] sont des chaînes ou des fers et un кандальник [kandalinik] est un prisonnier enchaîné.

Comme Boulgakov dit que Boba Kandaloupski est célèbre dans Moscou pour son «étonnante omniscience», лупский [loupski] pourrait venir de лупа [loupa] ou loupe, ce qui lui permet de voir tout.



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